la mémoire du chasseur
Les dernières recherches en neurosciences sur la mémoire
dite adaptative ouvrent de nouvelles perspectives en pédagogie. Elles nous
permettent d’améliorer encore nos performances mémorielles d’environ 30%.
Les travaux du psychologue américain James Nairme de
l’Université de Purdue (Indiana) rapportés par Patrick Bonin (professeur en
psychologie cognitive à l’Université de Bourgogne) et Aurélia Bugaïska (maître
de conférences) nous permettent d’envisager des applications pratiques et performantes
pour améliorer nos capacités.
Avant présenter les résultats de ces travaux, revenons un
peu sur plusieurs conditions pour la mise en place d’une bonne mémorisation à
long terme. Notre cerveau possède un redoutable économiseur d’énergie, aussi il
passe la majeure partie de son temps à effacer tout ce qui lui parait sans
utilité. Ainsi lorsque nous ne sommes pas véritablement convaincus par
l’importance du travail mnésique que nous entreprenons, nul doute que notre
cerveau passera « aux oubliettes » les éléments concernés. Tout acte
de mémorisation est un acte volontaire qui s’inscrit dans un contexte. Peut-on
apprendre une nouvelle langue sans motivation, en pensant plus ou moins que ce
travail d’apprentissage est sans intérêt, que nous n’en tirerons que peu de
bénéfice, que nous n’aimons pas cette langue, que la méthode est mal faite, que
le prof est désagréable et sans humour… Malheureusement n’est-ce pas la
situation de beaucoup d’apprenants en situation d’échec.
D’après James Nairme, nous apprenons mieux et retenons
mieux lorsque nous sommes en situation de survie. Nos ancêtres chasseurs
cueilleurs ont dû développer leurs capacités dans la recherche de proies et la
crainte des prédateurs.
L’observation de leurs mouvements pour les capturer ou les combattre a été l’un
des facteurs essentiels permettant la survie des meilleurs chasseurs. Ce sont
ces processus que nous pouvons nous approprier pour améliorer notre
mémorisation. Il nous faut tout d’abord nous mettre en situation de survie et
non pas rester simple spectateur d’une série de téléréalité (Kho Lanthaa,
Survivor…) nous devons nous imaginer en situation et non observer notre voisin
de travail. Nous sommes concernés directement et nos propres émotions doivent
être en jeu.
Nous cherchons des proies
Nous devons éviter les prédateurs
Nous cherchons des plantes et des fruits comestibles en
prenant soin d’éviter les toxiques
Nous cherchons un partenaire sexuel
Ainsi nous retiendrons plus facilement le mouvement plutôt
que ce qui est inanimé. Le chemin ou la carte orientée, Etre à l’affut,
guetter, mettre nos sens en éveil, tendre vers un but, renforce les processus
mnésiques.
Mettre des élèves en situation d’apprentissage demande au
professeur de s’impliquer émotionnellement. De susciter des émotions, de
bousculer la froideur et le recul que beaucoup veulent prendre (professeur ou
élève). Mettre en œuvre la mémoire dite adaptative nécessite de :
Mettre l’accent sur le mouvement
S’imaginer en situation de survie, gérer les ressources,
se projeter et s’ancrer dans le futur des lieux et des chemins pour les
rejoindre. D’utiliser tous nos sens pour être à l’affut et avec nos émotions
multiplier les chemins mnésiques par des entrées visuelles, auditives,
kinesthésiques, olfactives et tactiles. Ces éléments seront d’autant plus
renforcés qu’ils s’inscriront dans un schéma en direction de ou en mouvement.
Par exemple en anglais (en langue) :
Les listes de mots inanimés se retiendront plus
difficilement que de courtes phrases centrées sur le mouvement :
The cat is climbing on
the roof au lieu de: to climb et the
roof
Faire apparaître un danger pour soi :
I was sleeping when
the house began to burn! Au lieu de la
liste des verbes.
En maths, Patrick Bonin propose de mettre les élèves en
situation de survie pour (par exemple) fabriquer un piège et étudier des
notions de périmètre de cercle …
En géométrie, je dirais qu’il est facile de trouver des
problèmes concrets pour mettre en œuvre le théorème de Thales : calculer
la profondeur d’un trou servant de piège avec l’ombre d’un bâton. Utiliser le
cosinus d’un angle pour envisager une traversée à la nage pour rejoindre un
ilot par des calculs d’angle et de distances sur la plage.
En quoi ces exercices de compréhension sont-ils liés aux
capacités mnésiques des élèves ? La résolution de problèmes concrets en
maths renforce l’apprentissage mais les situations de survie envisagées vont
permettre de mieux conserver ces exemples pour se les approprier et les
restituer peut-être dans un premier temps tels quels puis espérons-le de
manière intelligente et adaptée à une autre situation voisine. Il n’y a pas de
compréhension sans mémoire et de mémoire sans compréhension. Vous ne retiendrez
pas ce que vous ne comprenez pas !
En arithmétique, les calculs fractionnaires sont souvent
les bêtes noires des élèves, pourquoi ne pas introduire des situations de
survie : Dans le désert de la Mort, rationnez votre quantité d’eau…
En Français : Faire une place importante aux verbes
d’action et proposer des textes en rapport à
des situations de mise en danger.
En histoire : comment retenir une série de dates et
de grands évènements ?
Voici un petit test que j’ai pratiqué très
récemment : En passant devant un club hippique, les lieux de rassemblement
des différents groupes d’équitation étaient tous repérés par des noms d’animaux
de la région : marmotte, ours, loup, renard, chamois, lièvre, tétras-lyre.
Comment retenir ces 7 noms et dans l’ordre !
· Première
stratégie : prendre l’initiale de chacun et former des groupes
mnémotechniques. MOL RC LT
· Deuxième
stratégie : Dans un paysage de la région, la marmotte voit passer un ours
suivi par un loup, en levant les yeux elle aperçoit un renard courant vers un
chamois au sommet d’un pic et descendant de celui-ci un lièvre qui fait
s’envoler un tétras-lyre.
La 2ème stratégie
s’avère payant à long terme. En effet même si les deux sont aussi efficaces à
court terme, après deux jours les groupes de lettres comme RC et LT perdent
leurs significations alors que le paysage animé garde tous les animaux à leur
place !
Alors maintenant, bonne
chasse !